Alban LIECHTI, réfractaire à la guerre d'Algérie
Page 1 sur 1
Alban LIECHTI, réfractaire à la guerre d'Algérie
Alban LIECHTI
Sources :
http://www.humanite.fr/2005-09-01_Tribune-libre_L-indomptable-Alban-Liechti
ARTICLE PARU
LE 1ER SEPTEMBRE 2005
L’indomptable Alban Liechti
Témoignage.
Le militant communiste, condamné pour avoir refusé de porter les armes contre le peuple algérien, raconte un épisode du combat anticolonial.
Le Refus, d’Alban Liechti,
Le Temps des Cerises, 2005. 262 pages, 20 euros
En juin 1956, le soldat Alban Liechti (*) fait signer par trente et un de ses camarades appelés en Algérie une lettre au président Guy Mollet. Elle lui rappelle ses propos de « parvenir dans les plus brefs délais au cessez-le-feu » dans une guerre qu’il avait qualifiée « d’imbécile et sans issue ». Le 2 juillet, il s’adresse au président de la République, René Coty, cite la Constitution qui stipule que la France n’emploiera pas ses forces contre la liberté d’aucun peuple, et annonce : « Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. » Militant anticolonialiste inlassable, cosignataire récemment de l’Appel des Douze, l’auteur a voulu par ce livre répondre aux interrogations de ses enfants. Il y raconte le cheminement de pensée qui gouverna ses choix : « J’ai eu une chance très grande d’avoir des parents communistes, humanistes, antiracistes […]. Ils m’ont appris à réfléchir, à analyser, à toujours se méfier des premières impressions, à ne jamais regarder les choses ou les gens superficiellement… » C’est ce regard qu’il porte sur une Algérie que beaucoup considèrent à l’époque comme trois départements français. Alban est choqué par la vue des petits cireurs de chaussures dans les rues d’Alger, pieds nus, en guenilles. « J’ai pensé : oui, c’est bien un peuple colonisé. » Il refuse le fusil qu’on lui tend. Et plonge l’armée dans le désarroi. Il reste inflexible aux pressions : ce sera le tribunal militaire. Il espère se faire entendre. On lui coupe la parole. Tout juste écoute-t-on la plaidoirie de Me Amblard, avocat du Secours populaire. Au bout de cinq minutes de délibérations le voilà condamné à deux ans d’emprisonnement. Qu’il va faire de prison en prison, en France et en Algérie, soutenu par ses parents, sa mère admirable combattante pour la paix, et par la correspondance amicale avec Yolande devenant vite très tendre.
Les deux ans achevés, Alban maintient son refus. La guerre d’Algérie a abattu la IVe République. De Gaulle est au pouvoir. Alban lui écrit le 3 mars 1959. Le 26 mai, il est traduit devant le tribunal militaire d’Alger, défendu par Me Amblard et Me Thorp, bâtonnier du barreau de Paris. Des centaines de pétitions et des dizaines de télégrammes sont parvenus au tribunal. Mais il est de nouveau condamné à deux ans de prison pour refus d’obéissance : la sanction n’a été décidée qu’à une courte majorité. L’indomptable Alban va effectuer sa peine, puis encore la fin de son service militaire. Sa correspondance avec Yolande révèle un couple ferme dans l’adversité, échangeant des propos sur le bonheur, l’avenir de l’humanité. Le lecteur partage leur mariage, la naissance des enfants, la vie qui reprend.
Dans un avant-propos, l’historien Alain Ruscio aborde la question du flottement des positions du Parti communiste. Dans un premier temps, l’Humanité ne publie pas la lettre à René Coty mais informe sur le procès et la condamnation. Ruscio invoque « un retard certain » à soutenir Liechti et à encourager de tels actes. Il y eut un flottement, c’est indéniable. Le Parti communiste s’efforçait de développer un courant d’opinion contre la guerre et s’adressait clandestinement aux soldats eux-mêmes.
Alban Liechti réagit dans une lettre à la déclaration de Maurice Thorez. Rappelant qu’un soldat communiste doit mener son action dans l’armée et invitant à ne pas laisser isoler les meilleurs. Il écrit : « Il faut un travail des jeunes au sein de l’armée, c’est juste, mais je ne veux pas que le Parti ferme la porte à ceux qui veulent encore refuser d’obéir. Je ne suis pas d’accord quand Maurice déclare que le refus ne pouvait pas en entraîner d’autres à le faire par centaines. » Un effort de conviction fut cependant mené, particulièrement par la Jeunesse communiste, encouragée par le Parti. Plusieurs fils de dirigeants, dont celui de Raymond Guyot, alors responsable du travail clandestin dans l’armée, suivirent l’exemple d’Alban.
Même s’il n’a pu entraîner « des centaines de refus », ce geste courageux demeure un symbole de l’opposition à la guerre coloniale. « La petite voix qui dit non », comme chante Ferrat.
Claude Lecomte
-------------------
Admin
Sources :
http://www.humanite.fr/2005-09-01_Tribune-libre_L-indomptable-Alban-Liechti
ARTICLE PARU
LE 1ER SEPTEMBRE 2005
L’indomptable Alban Liechti
Témoignage.
Le militant communiste, condamné pour avoir refusé de porter les armes contre le peuple algérien, raconte un épisode du combat anticolonial.
Le Refus, d’Alban Liechti,
Le Temps des Cerises, 2005. 262 pages, 20 euros
En juin 1956, le soldat Alban Liechti (*) fait signer par trente et un de ses camarades appelés en Algérie une lettre au président Guy Mollet. Elle lui rappelle ses propos de « parvenir dans les plus brefs délais au cessez-le-feu » dans une guerre qu’il avait qualifiée « d’imbécile et sans issue ». Le 2 juillet, il s’adresse au président de la République, René Coty, cite la Constitution qui stipule que la France n’emploiera pas ses forces contre la liberté d’aucun peuple, et annonce : « Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. » Militant anticolonialiste inlassable, cosignataire récemment de l’Appel des Douze, l’auteur a voulu par ce livre répondre aux interrogations de ses enfants. Il y raconte le cheminement de pensée qui gouverna ses choix : « J’ai eu une chance très grande d’avoir des parents communistes, humanistes, antiracistes […]. Ils m’ont appris à réfléchir, à analyser, à toujours se méfier des premières impressions, à ne jamais regarder les choses ou les gens superficiellement… » C’est ce regard qu’il porte sur une Algérie que beaucoup considèrent à l’époque comme trois départements français. Alban est choqué par la vue des petits cireurs de chaussures dans les rues d’Alger, pieds nus, en guenilles. « J’ai pensé : oui, c’est bien un peuple colonisé. » Il refuse le fusil qu’on lui tend. Et plonge l’armée dans le désarroi. Il reste inflexible aux pressions : ce sera le tribunal militaire. Il espère se faire entendre. On lui coupe la parole. Tout juste écoute-t-on la plaidoirie de Me Amblard, avocat du Secours populaire. Au bout de cinq minutes de délibérations le voilà condamné à deux ans d’emprisonnement. Qu’il va faire de prison en prison, en France et en Algérie, soutenu par ses parents, sa mère admirable combattante pour la paix, et par la correspondance amicale avec Yolande devenant vite très tendre.
Les deux ans achevés, Alban maintient son refus. La guerre d’Algérie a abattu la IVe République. De Gaulle est au pouvoir. Alban lui écrit le 3 mars 1959. Le 26 mai, il est traduit devant le tribunal militaire d’Alger, défendu par Me Amblard et Me Thorp, bâtonnier du barreau de Paris. Des centaines de pétitions et des dizaines de télégrammes sont parvenus au tribunal. Mais il est de nouveau condamné à deux ans de prison pour refus d’obéissance : la sanction n’a été décidée qu’à une courte majorité. L’indomptable Alban va effectuer sa peine, puis encore la fin de son service militaire. Sa correspondance avec Yolande révèle un couple ferme dans l’adversité, échangeant des propos sur le bonheur, l’avenir de l’humanité. Le lecteur partage leur mariage, la naissance des enfants, la vie qui reprend.
Dans un avant-propos, l’historien Alain Ruscio aborde la question du flottement des positions du Parti communiste. Dans un premier temps, l’Humanité ne publie pas la lettre à René Coty mais informe sur le procès et la condamnation. Ruscio invoque « un retard certain » à soutenir Liechti et à encourager de tels actes. Il y eut un flottement, c’est indéniable. Le Parti communiste s’efforçait de développer un courant d’opinion contre la guerre et s’adressait clandestinement aux soldats eux-mêmes.
Alban Liechti réagit dans une lettre à la déclaration de Maurice Thorez. Rappelant qu’un soldat communiste doit mener son action dans l’armée et invitant à ne pas laisser isoler les meilleurs. Il écrit : « Il faut un travail des jeunes au sein de l’armée, c’est juste, mais je ne veux pas que le Parti ferme la porte à ceux qui veulent encore refuser d’obéir. Je ne suis pas d’accord quand Maurice déclare que le refus ne pouvait pas en entraîner d’autres à le faire par centaines. » Un effort de conviction fut cependant mené, particulièrement par la Jeunesse communiste, encouragée par le Parti. Plusieurs fils de dirigeants, dont celui de Raymond Guyot, alors responsable du travail clandestin dans l’armée, suivirent l’exemple d’Alban.
Même s’il n’a pu entraîner « des centaines de refus », ce geste courageux demeure un symbole de l’opposition à la guerre coloniale. « La petite voix qui dit non », comme chante Ferrat.
Claude Lecomte
-------------------
Admin
Dernière édition par Admin le Jeu 9 Juil - 19:07, édité 1 fois
Sujets similaires
» Marc SAGNIER, réfractaire à la guerre d'Algérie
» Lucien FONTENEL, réfractaire à la guerre d'Algérie
» "Guerre et guerre d'Algérie" de Londiche
» la guerre juste
» ils ont dit “non” à la guerre sans nom
» Lucien FONTENEL, réfractaire à la guerre d'Algérie
» "Guerre et guerre d'Algérie" de Londiche
» la guerre juste
» ils ont dit “non” à la guerre sans nom
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|